vendredi 30 août 2013

Au moins une raison pour ne pas intervenir militairement en Syrie

Au moment où j'ai décidé de répondre au billet de Romain Blachier intitulé "Une raison d'intervenir en Syrie", la Chambre des Communes du parlement britannique s'est clairement prononcé contre toute participation à une intervention armée en Syrie par 285 voix contre 272.
Même si je trouve ce billet bien rédigé et argumenté, je ne suis pas d'accord sur la nécessité de cette intervention.

Une intervention à reculons
Notre principal partenaire européen, l'Allemagne s'est déjà clairement prononcé contre toute intervention. Même la position américaine est loin d'être claire. Faute d'aval du Congrès, le président Obama est resté très vague voire indécis.
Au Moyen Orient, à l'exception d'Israël qui a toujours voulu abattre le régime syrien, les Américains sont très isolés. Ainsi, le général Abdel Fattah al-Sissi, nouvel homme fort de l'Égypte a annoncé vouloir fermer le Canal de Suez.

Et sur le terrain
La situation sur le terrain est loin d'être claire. Faute d'être décisive et unanime, la "Révolution Syrienne" s'est vite muée en guerre civile avec un fort facteur confessionnel (comprendre sunnites contre chiites).
Et comme toute guerre civile, c'est depuis des mois la logique du pire qui prévaut, celle qui veut qu'on trucide son voisin avant qu'il ne vous trucide. Comme en ex-Yougoslavie ou au Rwanda. Une situation où n'existent plus que bourreaux et victimes, avec leurs lots d'exactions respectifs.


Différents niveaux d'enjeux
Sur le terrain, la situation est loin d'être claire. La rébellion s'est certes imposée dans de nombreuses régions mais on se rend vite compte que les zones contrôlées par les rebelles recouvrent les zones d'implantation de la population sunnite. Zones qui ne cessent de se réduire, les troupes gouvernementales ne cessant de gagner du terrain. Les troupes de la rébellion paient leur division avec des éléments extrémistes qui essaient de prendre le dessus sur un frange plus modérée et ce malgré le soutien important du voisin turc, du Qatar et de l'Arabie Saoudite. 
Car au-delà des enjeux locaux, il y a des enjeux régionaux à commencer pour Israël, ennemi héréditaire du régime bassiste qui souhaite un affaiblissement durable de la Syrie, et occupe d'ailleurs depuis 1967 le plateau du Golan (annexé unilatéralement en 1981).
Mais les deux grands blocs soutenant les belligérants sont d'un côté un bloc chiite soutenu par l'Iran, en partie l'Irak, et les milices libanaises du Hezbollah et de l'autre un bloc sunnite mené par la Turquie de Recep Tayyip Erdoğan, l'Arabie Saoudite et le Qatar, ces deux derniers pays se livrant à une lutte interne pour la maîtrise d'un leadership régional.
Enfin, se dessine une confrontation Est-Ouest avec d'un côté le bloc atlantiste mené par les États-Unis et de l'autre la Chine et le Russie. A noter que cette dernière est particulièrement engagée en Syrie avec des facilités portuaires en Mer Méditerranée (une des rares dont dispose la Marine Russe), la présence de nombreux conseillers militaires et aussi le principal fournisseur de matériel militaire.


Quelle intervention ?
L'intervention envisagée est une intervention à distance avec des frappes aériennes depuis les bases occidentales de Turquie et du Golfe Persique ou à partir de navires stationnés en Mer Méditerranée. On parle de 40 cibles définies par la Rébellion, situées dans des zones assez peuplées.
On connaît l'extrême inefficacité de ce genre de frappe largement mises en œuvre en Afghanistan avec le résultat qu'on connaît, et des risques de "dommages collatéraux" difficilement évaluables.
Toute intervention militaire n'est pas sans danger pour les forces d'une éventuelle coalition menée par les États-Unis. L'Armée Syrienne est équipé de matériel moderne dont au moins 36 batteries Pantsir-S1 de fabrication russe, et donc une capacité de riposte sol-air non négligeable dont l'aviation turque a déjà les frais en juin 2012.
Toute intervention serait donc très limitée et à risque.

Les rodomontades de François Hollande qui n'ont pas de sens tant il est à la remorque de la volonté et des moyens militaires américains ne changeront pas le caractère particulier du conflit L'issue ne peut plus venir que d'une solution négociée et ce malgré les pires exactions qu'elles viennent des milices du régime ou des groupes islamistes.

Exactions qui sont comme le rappelle Romain Blachier d'autant plus insupportables que nous en sommes chaque jour réduits au simple statut de spectateurs impuissants.